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Lettres chinoises

Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'Argens, Lettres chinoises, Édition établie et présentée par Jacques Marx, Paris, Honoré Champion, 2009.


Les Lettres chinoises (1740) de Jean-Baptiste Boyer, marquis d'Argens s'inscrivent certes dans la tradition de la satire épistolaire orientale inaugurée par L'Espion turc (1684) et réactualisée par les Lettres persanes, mais le projet de son auteur s'étend beaucoup plus loin dans le temps et dans l'espace, puisque ses voyageurs pérégrinent non seulement en Europe, mais aussi en Perse, au Japon et au Siam, dont ils considèrent les us et coutumes contemporains, mais aussi les traditions historiques et religieuses. Présenté sous une forme périodique adaptée aux habitudes de lecture du milieu hollandais du Refuge au XVIIIe siècle, cet essai, où l'anecdote le dispute à la réflexion sérieuse, fait partie d'un vaste ensemble dont d'Argens avait déjà illustré les objectifs dans des Lettres juives (1736) et les Lettres cabalistiques (1737). Le projet ne visait à rien moins qu'à redéployer les méthodes et les instruments de référence du libertinage érudit hérité de Pierre Bayle. À la faveur de cette entreprise, le lecteur découvrira un étonnant panorama ethnographique des nations, et une préfiguration inattendue des recherches savantes qui marqueront plus tard le développement de la Renaissance orientale. Profitant de l'engouement pour la Chine suscité en Occident par la littérature missionnaire, l'auteur des Lettres chinoises a également mis en place une formidable machine de guerre philosophique, principalement dirigée contre toutes les pratiques religieuses et non pas seulement celles issues du christianisme, et puissamment contribué ainsi à la propagande en faveur de l'humanisme des Lumières.